Les sources bibliques de la pierre rejetée
par Roger Dachez
23 novembre 2017
par Roger Dachez
23 novembre 2017
Rappelons tout d'abord que ce grade de la Marque n'est pas un grade « compagnonnique », comme on le croit parfois dans certains milieux maçonniques français. Ce sont des épisodes bibliques qui y sont évoqués. En fait, ce sont deux grades qui n'en font qu'un : Homme de la Marque (chacun choisit alors sa propre marque) et Maître Maçon de la Marque (la pierre d'abord rejetée est retrouvée).
Revenons aux sources bibliques : les lettres hébraïques qui figurent sur le tableau du grade signifient : « la pierre qui a été rejetée est devenue la pierre angulaire », ou « la pierre principale de l'angle ».
C'est tout simplement un emprunt au Psaume 118 versets 22-23 : « La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle. C’est de l’Eternel que cela est venu : c’est un prodige à nos yeux ».
Souvenons-nous que dans la cérémonie d'initiation, les deux diacres balancent deux fois la pierre et la jettent au rebut. Le Révérend Neville Barker Cryer, dans son ouvrage « The Ark and the Rainbow », publié en 1996, nous donne une première explication : sur les chantiers au Moyen-âge, quand une pierre était mal faite, on la jetait. Parfois même, c'était l'ouvrier qui était rejeté.
La réponse se trouve dans la tradition hébraïque, où ce geste, fait de bas en haut, est lié au concept d'Offrande à Dieu (on le trouve dans l'Exode, les Nombres et le Lévitique). On peut également le rapprocher de l'idée de sacrifice, chère aux chrétiens.
Pour répondre à cette question fondamentale, il faut se référer au livre de Réné Guilly revu par le conférencier « Les pierres de la franc-maçonnerie ».
La pierre parfaite qui est rejetée serait en fait la somme de trois « pierres parfaites » :
Il faut voir également le « Miroir du salut humain » (Speculum humanae salvationis) écrit selon les spécialistes par Ludolphe le Chartreux, au début du XIVe siècle. Il s’agit d’une des œuvres les plus diffusées à la fin du Moyen Age. Le Miroir est un commentaire allégorique de la Bible, une glose biblique où l'Ancien Testament est relu à la lumière du Nouveau. Ce texte prouve que la référence à la pierre n'est pas compagnonnique mais bel et bien biblique.
Discussion :
Comment René Guilly a-t-il trouvé ce document ? En tant historien de l'art, il a lu (bien sûr) Émile Mâle, « L'art religieux au XIIIème siècle » qui y fait allusion.
Cette thématique de la pierre se retrouve dans d'autres grades et trouve son aboutissement à l'Arc royal.
Au rite français, au grade de Maître Parfait, on retrouve l'allusion à la pierre de fondation.
On peut noter le fait que la pierre angulaire et la clé d'arc symbolisent l'alpha et l'omega de la création. Les grades cryptiques reprennent cette thématique de l'alpha et l'oméga.
Ce grade est évidemment d'essence chrétienne, car il vient d’Écosse où la maçonnerie n'avait pas subi la « déchristianisation » - qui n'est certes pas une laïcisation – opérée en Angleterre au début du XIXème siècle. Toutefois, ce caractère chrétien est allusif dans la Marque, et le grade n'est pas considéré comme tel en Angleterre.